L'ombre de ton souvenir {Iseult}

© FoX

Deux ans. Cent quatre semaines. Sept cent trente jours. Dix sept mille sept cent vingt heures. Les mains posées sur ma tasse de café, je profitais de la chaleur du liquide tout en m'accordant quelques instants avant que la journée ne commence réellement, avant que la douleur ne m'oppresse, avant que la culpabilité ne soit trop lourde à porter, avant qu'il ne soit trop tard et que je ne m'accorde plus cette faiblesse. Le café. Je détestais le café. Pourtant, j'en buvais tout les matins depuis deux ans. Pourquoi? Je n'en savais trop rien, sans doute pour me sentir proche de ma sœur. Ma sœur... J'eus soudain l'impression qu'une main venait d'étreindre mon cœur, qu'elle le serrait fort, si fort que s'en était douloureux, comme si cette main voulait extraire tout le poison acide qui s'était infiltré au cours de ses deux années. Ma respiration se fit alors plus difficile, moins régulière. La chaleur me monta rapidement au joue, envahissant mes yeux qui ne tarderaient pas à se remplir de larme. J'avais l'impression de me consumer, de brûler de l'intérieur. J'étais tétanisée, j'étais figée, j'étais prisonnière dans ce corps que je ne supportais plus.

Iseult? La voix de Keylan me parvint, lointaine, trop lointaine pour m'extraire à cet état de léthargie. Keylan. Mon réconfort et ma culpabilité dans un seul corps. Shhh. Je suis là. Je sentis ses bras m'étreindre, délicieusement, m'attirant à lui. Je ne pus m'empêcher de penser qu'il fut un temps où c'était ma sœur qu'il étreignait de la sorte pour balayer ses peurs et ses peines. La douleur ne fut que plus oppressante, plus culpabilisante, mais tellement plus délicieuse. J'étais une voleuse, je lui avais prit, je lui avais dérobé et je m'en étais accaparé alors qu'elle venait tout juste de nous quitter. Comment était-ce arrivé? Je ne sais pas, je ne sais plus, comment ais-je pu en être arrivé là? je suis comme folle, je le sais bien mais c'est plus fort que moi. Je me plais dans cette vie qui n'est plus réellement la mienne, non, c'est la sienne que je vis. Je vis pour elle, parce qu'elle ne peut plus le faire. Je suis elle. Je suis ses traces, je veux lui ressembler et ce reflet ne fait que de me séparer d'elle. Je déteste ce miroir, je le hais, je ne veux plus le voir. Mon coeur s'emballe sous la colère. Je suis en colère contre le monde, mais particulièrement, je suis en colère contre moi. Je voudrais tellement être elle, pour lui, rien que pour lui, lui qui n'a jamais cesser de l'aimer, lui qui s'accroche à moi car je suis une copie de ce qu'elle a été. Une pâle copie, certes, mais la plus ressemblance. Notre relation est malsaine et fondée sur des mensonges, mais on s'y complais, on s'y blottit, on s'y accroche et on fait tout pour qu'elle ne nous échappe pas. Je ne sais même pas si je l'aime ou si j'aime ce qu'il représente. Je ne sais pas s'il m'aime ou s'il l'aime elle, à travers moi.

Je me perds dans mes sentiments, je m'angoisse moi même, tout s'embrouille. Terreur, colère, triste, incompréhension, déni. Bon sang, mais qu'est ce que je fous. Je devient folle, je suis malade, complètement malade, mais ce n'est pas le pire. Le pire, c'est que j'aime cette foutue maladie parce qu'elle me permet de garder un certain contact avec elle et tant que je maintiens ce contact, il y a une part d'elle qui est toujours en vie. Ses bras se referment un peu plus sur moi, protecteur, comme s'il avait ressentis le désarrois dans lequel j'étais en train de sombrer. Je prend une inspiration profonde, m'imprégnant de son odeur. Il est là, juste lui, il faut que je me focalise sur lui, il faut que je me relève. Tu es certaine que c'est une bonne idée? Oui, oui, ne te tracasse pas. Justement si, je me tracasse. Tu n'es pas obligé de le faire, pas aujourd'hui, ils comprendront. Non, non, tout ira bien, c'est un jour comme les autres. Je hochais la frimousse à la négative tout en me dégageant de lui pour mieux lui mentir. Non, cela n'ira pas bien. Pourquoi est ce que je joue avec le feu de la sorte? On pourrait presque croire que je veux suivre ma sœur dans son trépas. Je réajuste ma tenue et ma coiffure devant le miroir, à cet instant, ce n'est plus moi que je vois, c'est elle, dans les derniers instants de sa vie, juste avant qu'elle ne prenne ce vol. J'esquive un sourire, elle me rend ce sourire et cela emplis mon coeur de bonheur. Elle est là, elle est moi, tout ira pour le mieux.